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"80 ans de Nice-Matin" : Dominique Dabin au temps des "trois D"

"80 ans de Nice-Matin" : Dominique Dabin au temps des "trois D"

On les appelait les "trois D". Dabin, Daures, Delserre. Trois reporters emblématiques qui, dans le Var, ont porté haut les couleurs de Nice-Matin. Le premier d’entre eux a terminé sa carrière à la tête de la rédaction… après avoir été "saqué" pour indiscipline. Il raconte.

Comment est née votre vocation ?

Je n’en sais rien ! [Il rit] A 14 ans, j’ai simplement annoncé à mes parents que je voulais être journaliste. Mon père, professeur agrégé d’allemand, l’a mal pris ; il me prédestinait à de hautes études. Après mon bac et une année de propédeutique (1), j’ai présenté le concours de l’École supérieure de journalisme de Lille. J’ai été reçu à l’écrit, mais recalé à l’oral. L’examinateur m’a reproché d’être… mal assis sur mon fauteuil ! J’étais trop "crispé", dans une posture "pas assez journalistique". Stupéfait par tant de bêtise, j’ai renoncé à me représenter.

Qu’avez-vous fait ?

L’École de formation au métier d’attaché de presse (Efap) à Paris. J’ai ensuite accepté un job à l’IUT de Tours qui m’a permis de rencontrer Pierre Archambault, cofondateur de La Nouvelle République, alors président du Syndicat national de la presse quotidienne régionale (SPQR). Il m’a renvoyé vers son vice-président, Michel Bavastro, p.-d.g. de Nice-Matin, qui cherchait à "rajeunir sa rédaction". C’est comme ça que j’ai débarqué sur la Côte d’Azur en 1969.

Vous avez débuté à Nice ?

Oui. Le premier jour, on m’a mis en double au tribunal avec Angelo Rinaldi. Je suis arrivé trente minutes avant le début de l’audience. À 9 heures, pas de Rinaldi. Ni à 10 heures. Ni à 11 heures. À midi, je commençais à paniquer lorsque je l’ai vu débouler, en chemise rose parfumée, sourire aux lèvres. Il a discuté cinq minutes avec la greffière sans prendre de note, puis il m’a entraîné au Bar du palais. Là-bas, il connaissait tout le monde ! L’après-midi, je suis rentré écrire mon compte-rendu – laborieusement parce que je ne savais pas taper à la machine. Et le lendemain, j’ai découvert l’article du futur académicien dans le journal : c’était brillant, flamboyant... génial ! Alors que le mien était plat et scolaire. Le rédacteur en chef adjoint, Guy Riffet, m’a demandé : "Vous mesurez le fossé qui vous sépare ? Vous pensez réussir à le combler ?" J’ai eu le culot de répondre "oui" aux deux questions. J’ai passé un mois au siège, sur l’avenue Jean-Médecin, dans une rédaction de monstres sacrés : Maurice Huleu, Jean-Claude Vérots, Hélène Vuichard, Gérard Comboul, Mario Brun… Ils m’ont tout appris.

Titularisé, vous êtes muté à Cannes… où les choses se passent moins bien ?

Disons qu’on m’envoyait sur des reportages sans intérêt. Alors, je ne les couvrais pas et j’en faisais d’autres ! [Il rit] J’ai fini par être convoqué par Michel Bavastro – la seule personne qui m’ait jamais impressionné à Nice-Matin. Il m’a passé un savon : "Je vous mute à Hyères. J’ai informé votre responsable qui ne vous pardonnera aucun dérapage !"

Cela vous a calmé ?

[Il sourit] Pas vraiment. J’ai un peu déconné, négligeant ostensiblement les sujets inscrits à mon tableau de service. Le chef d’agence, Daniel Thouvenot, m’a expliqué que mon attitude obligeait mes collègues à faire mon travail : "Vis-à-vis d’eux, je suis obligé de te mettre une note de service. Mais je ne veux pas te casser. Je ne l’enverrai pas à Nice, à condition que tu comprennes que, si le talent est individuel, la réussite est collective." Message reçu ! Quelques mois plus tard, lorsque son adjoint a été promu à Sainte-Maxime, il m’a demandé de le remplacer. Et il a brûlé, devant moi, la fameuse note de service…

Dès lors, vous, vous brûlez les étapes…

En 1974, à 27 ans, j’ai été nommé chef d’agence de Toulon. Un drôle de poste, à l’époque, puisqu’il y avait très peu de locale toulonnaise dans Le Var - Nice-Matin. L’ouest du département était dans la zone d’influence de Var-matin République, qui appartenait au maire de Marseille Gaston Defferre.

La première carte de presse de Dominique Dabin, dit "Dominique Degençay", au début des années soixante-dix. Photo Lionel Paoli.

Que couvriez-vous alors ?

La préfecture, le conseil général [actuel conseil départemental, Ndlr], la politique et, bien sûr, les faits divers. Les débuts ont été compliqués. C’était une équipe de stars et de personnalités très affirmées. Certains vieux briscards acceptaient mal d’être dirigés par un "gamin". Le directeur départemental, Rémy Daure, a reçu des coups de fil : "Vous recrutez vos chefs au berceau ?"

Vous n’avez pas douté de vous-même ?

Pas à cette époque. D’autant que les choses, finalement, se sont tassées assez vite. Un homme m’a beaucoup appris : Jean-Pierre Mériadec. C’était un mec incroyable, grand reporter, ami avec les flics comme avec les truands. Lui, il avait le nez creux ; il "sentait" l’info mieux que personne.

Vous avez passé dix ans à ce poste ?

Oui. C’est beaucoup… [Il rit] Il a fallu ce temps-là pour que Michel Bavastro accepte une idée que je défendais depuis des lustres : créer une cellule de reportage dans le Var. En 1984, enfin, avec Serge Delserre et Christian Daures, on a eu le feu vert. Ça a été le début d’une période formidable, marquée par les affaires Maurice Arreckx (2) et Yann Piat (3), qui a duré jusqu’à la fusion des deux journaux en 1998.

Comment avez-vous vécu cette fusion ?

Au début, assez mal. J’ai même songé à quitter Nice-Matin. Finalement, je suis resté. J’ai été nommé chef du service Reportage, puis directeur adjoint du nouveau Var-matin aux côtés de Patrick Andrieu. En juillet 2000, lorsque ce dernier a été nommé directeur de la rédaction, je lui ai succédé.

Comme vous l’avez fait, en 2003, lorsqu’il a été "remercié" par le p.-d.g. ?

Michel Comboul m’a contacté en juillet 2003, l’avant-veille de mon départ en vacances. Il m’a donné rendez-vous dans un restaurant, aux Arcs, et m’a annoncé que je remplacerai Patrick dès mon retour. Je n’étais absolument pas candidat ! Mais Comboul a insisté : "C’est le genre d’offre qui ne se refuse pas." J’ai donc pris le poste et, pendant plusieurs mois, ça a été difficile. Je m’attendais à gérer une rédaction ; en fait, j’étais surtout là pour gérer des emm…

Vous étiez plus épanoui dans votre rôle de grand reporter ?

[Il rit] Incontestablement.

Vous avez quitté Nice-Matin en 2008. Si vous ne deviez garder qu’un seul souvenir de ces trente-six années ?

Je garde tout ! J’ai aimé passionnément ce métier sous tous ses aspects. [Il sourit] Il n’existe pas de meilleur observatoire de l’âme humaine.

1. Supprimée en 1966, cette formation offrait aux bacheliers une année préparatoire avant d’intégrer l’enseignement supérieur. 2. Maire de Toulon de 1959 à 1985, député, sénateur et président du conseil général du Var, Arreckx a été condamné pour corruption.

3. La députée du Var a été assassinée le 25 février 1994 à Hyères.

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